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Fiche de Lecture La Morale Anarchiste

Avant-propos :

Cette fiche de lecture a pour objet l'essai politique écrit par P. Kropotkine s'intitulant La Morale Anarchiste. Dans cet ouvrage, l'auteur cherche à déconstruire toutes les morales et leurs mécanismes pour constituer une morale qui ne fait subir ni oppressions, ni torture. Encore une fois cette fiche simplifie le propos pour en avoir une idée et demande à tout lecteur.ice un travail réflexif personnel. Alors voici un résumé des 10 explications de La Morale Anarchiste, bonne lecture Camarade !

Thème : trouver une morale qui appelle à l'égalité et à la volonté de vie

I) "L'histoire de la pensée humaine rappelle les oscillations du pendule"

- Mouvement historique de réveil de la pensée qui se délie des oppressions vers la création de nouvelles connaissances.

- Homme de loi, religieux, gouvernants, s'adaptent pourtant et remettent en œuvre leurs emprise sur la pensée dominante. Emprise des l'enfance avec l'éducation : avoir peur, faire peur, montrer l'enfer, l'excès des révolutionnaire pour en faire "un ami de l'ordre". Interaction religieux-homme de loi : loi divine-loi du code. Habitude prend le pas sur la réflexion. Puis, vient le début des excès humains en tout genre, le tout est de devenir le plus individualiste. Paraître bourgeois devient ensuite la norme et l'oscillation du pendule va vers la révolte. La jeunesse reprend la critique, s'insurge, vers le réveil du plus grand nombre et de la révolution.

- Se pose alors la question se la morale : "Pourquoi suivrais-je les principes de cette morale hypocrite ?". "Pourquoi n'importe quelle morale serait-elle obligatoire ?". Plus on sape les bases de la morale/hypocrisie établie, plus le niveau moral de la société se relève.

- Selon Fourier, l'origine de la morale s'explique par la flatterie intéressée des parents et des classes dirigeantes.

- Pourquoi serai-je moral ?" Une question qui passionna la jeunesse russe : "je serai immoral, et pourquoi ne le serai-je pas ?".

=> Parce que la Bible le veut ? Une collection de de traditions babyloniennes et judaïques ?
=> Parce que Kant me parle de impératif catégorique ? Mais si fumer une cigarette ou de me souler me donne plus envie et vient pour autant du fond de moi-même ? Ne devrai-je pas le faire ?
=> Parce que Bentham me dit que je serai plus heureux de me noyer que de regarder un passant se noyer ?
=> Parce que mon éducation est telle ? Et donc elle ne pourrait changer

- La crainte d'être immoral doit être vaincue car cette morale que l'on nous inculque n'est qu'une hypocrisie une pâle copie de ce qui est moralement humain. Alors il ne faut "se courber devant aucune autorité, si respectée qu'elle soit; n'accepter aucun principe, tant qu'il n'est pas établi pas la raison"

II) "Pourquoi serai-je moral ?" Est-ce la bonne question ?

- Les paraboles chrétiennes furent très présente dans la matérialisation de la morale. Sécularisation des croyances chrétiennes, on ne dit plus le "diable" mais les "passions, la chair". Et on ne plus "l'ange" mais "la conscience, l'âme". Les utilitaristes changèrent cette conception vers "la recherche du plaisir". => Censuré par les pouvoirs.

- Quête du plaisir se révèle vraie pour de nombreuses circonstances : celui qui partage autant que celui qui ne partage pas le fait dans la quête d'un plaisir, soit personnel, soit dans la recherche de reconnaissance chez autrui.

- Pourtant il n'y a que peu de différence sinon la motivation entre celui qui comme Adolphe Thiers cherche la satisfaction dans la tuerie des Communards pour faire plaisir aux bourgeois apeurés. Et entre une nihiliste russe qui lutte, se bat et tue toute sa vie pour ses idées. Sinon que dans un cas on cherche a grossir son ego et dans l'autre à servir une cause qui dépasse ces ego.

- Car voilà la recherche de plaisir, se fait aussi dans l'abnégation de soi. Le fait de pas voir souffrir quelqu'un, l'empathie humaine tend à souffrir avec. Alors voilà, l'individu va souvent donner son dernier repas quitte à avoir lui-même faim plutôt que de voir un autre souffrir de la faim. Sa propre vie et le danger semble avoir perdu en intensité lorsqu'il est question de plaisir. Toute action "bonne ou mauvaise" a pour racine la recherche du plaisir et d'éviter la peine, telle serait la loi organique qui régirait le vivant. = Philosophie matérialiste.


III) L'importance de sortir du paradigme de bien et de mal.

- Sortir définitivement de la morale religieuse qui définit le bien comme l'âme qui prend le dessus et le mal comme la chair qui prend le dessus sur l'âme. Rien n'est pour autant indifférent. 

- Mais il ne faut pas au contraire dire que rien n'a de sens, mais bien détester ce qui va à l'encontre du bonheur humain, de sa vie en tant qu'individu, en tant que groupe. On peut détester le serpent qui par son venin tue. On peut détester l'autre humain qui ne souhaite que s'enrichir. C'est obéir à un besoin naturel pour une certaine survie, celle de son plaisir, et celui des autres.


IV) Alors comment distinguer les plaisirs ?

- Tout d'abord, il faut s'éloigner des théologiens, car en réalité cette quête du plaisir qui donne un jugement est perceptible chez n'importe quelle espèce du vivant.

- François-Alphonse Forel en donne l'exemple avec l'observation des fourmis. Une fourmi rassasiée ne laissera pas une fourmi de sa colonie affamée et partagera, car une fourmi égoïste ne sert pas l'intérêt de l'espèce (en tout cas à l'échelle d'une colonie). Alors, que cela soit l'humain, la fourmi, le moineau, le singe.

- Ainsi, tous réalisent leurs actions "bonnes" ou "mauvaises" selon le paradigme suivant : "est-ce utile ou nuisible pour l'espèce ?" (Kropotkine utilise le terme de "race" mais il semble que la notion "d'espèce" soit plus adéquate et moins connotée dans la compréhension contemporaine de ses théories.) On sort alors totalement de la vision utilitariste qui dit "est-ce utile ou nuisible pour moi, individu?". Ici la collectivité prédomine.

- Evidemment, ces conceptions ne sont pas immuables, car si il a pu être utile pour le clan de manger ses parents trop âgés, aujourd'hui nous n'en sommes plus à un stade aussi précaire (Encore que ! Un boomer pourrait-être délicieux !)

- Ainsi, une maxime pourrait apparaître sous la forme d'un conseil plus qu'un ordre, puisqu'elle doit être librement choisie : "Fais aux autres ce que tu voudrais qu'ils te fassent dans les mêmes circonstances". On rajouterait que ce conseil est le fruit de l'expérience totalisée des êtres vivants et que cela permet à ceux qui font société de lutter encore et toujours.


V) Mais qu'en est-il de ce principe chez les humains lorsqu'il est à l'état d'habitude ?

- Comment expliquer cela chez l'homme qui ne connaît à peine la nation comment pourrait-il connaître l'espèce et l'estimer dans une conception d'utilité ?

- Les théologiens parlaient d'une nature innée, à l'image du créateur divin. Hobbes parlait de la loi qui nous maintiendrait en société (remarque qui ne tient pas puisque les lois ne sont que les traditions des "sentiments sociaux" qui s'institutionnalisent). Les utilitaristes parlaient d'une morale individuelle qui résulterait à un jugement, mais ils oubliaient là les solidarités qui sont souvent à l'encontre d'une morale individuelle et égoïste.

- Alors, nous retrouvons cette explication chez Adam Smith (lui-même). Dans sa Théorie des sentiments moraux, celui-ci nous expose un sentiment moral qui est à l'origine de tous les autres : l'empathie et la capacité d'une espèce à s'imaginer à la place d'un autre. Il donne l'exemple d'un enfant qui se fait battre, nous pourront juger donc que c'est mauvais (création de traumas pour l'enfant, mauvais éducation, violence physique... bref quelque chose de nuisible pour l'espèce), et l'empathie devrait nous encourager à le défendre. Non pas parce que c'est enfant, mais bien parce que le malheur de l'un, nous fait à notre tour nous sentir mal. Tel serait alors la base de toute lutte. Car le partage d'une condition, est fruit de solidarité humaine

- Ce sentiment d'empathie, nous le retrouvons partout, dans le règne animal les espèces s'entraident afin d'arriver à leurs fins, ou de se venir mutuellement en aide. Loin d'une prétendue solidarité étriquée que certains bourgeois soutiendrait, nous parlons ici d'une aide mutuelle face à un oppression, un danger pour des individus, des groupes qui se sentent communauté. C'est le sentiment d'empathie traduit dans la solidarité qui permet le progrès. (Un effet particulièrement remarquable dans l'évolution de l'histoire humaine, plus la solidarité et la libre initiative est ressentie, plus une société est "évoluée").


VI) La Solidarité comme moteur de changement

- Le principe de solidarité et d'action sur ce conseil "traite les autres comme tu voudrais qu'il te traite" sont restés dans toute l'histoire humaine très présents, même dans des temps de domination intense et d'oppression violente. C'est même celui-ci qui est le fondement de la révolte des groupes sociaux, des révolutions.

- Ce principe de solidarité doit rester une habitude à laquelle on ne prête pas attention jusqu'à la méconnaître. Il est en un sens un principe que l'évolution naturelle nous a conféré car il est à la base de toute réussite. C'est ainsi que la Loi et la Religion ont d'ailleurs aussi bien réussi à l'implanter dans les esprits humains en déclarant la solidarité, en la montrant comme trophée, et l'utilisant ensuite à des fins d'enrichissement de ces institutions. Pourtant c'est bien la solidarité réveillée qui a assuré le succès de ces structures humaines. C'est pourquoi les humains doivent se débarrasser de la Loi, la Religion, l'Autorité, afin de reprendre possession de cette habitude de Solidarité, se réapproprier une Solidarité à la base de tous et toutes.

- Mais d'ailleurs, ce principe même de solidarité, de traiter autrui comme on voudrait être traité, n'est-ce pas l'essence de l'Egalité, et de l'Anarchie ?

- Mais pourquoi on laisserait l'anarchiste user de la force alors qu'il dit ne vouloir être traiter que comme il aimerait être traité ? Parce qu'il aimerait qu'on le tue si jamais il devenait tyran, exploiteur, colonisateur, bref dangereux.

- Plus que cela, son "droit" à la violence il l'acquiert, en montrant a quel point c'est la seule solution. La seule solution face à l'oppression et l'adversité. L'anarchiste fait preuve de violence par la conquête de la légitimité de cette violence. Autrement, cela ne serait qu'une brutalité de plus.


VII) La morale dans l'inconscient

- La plupart des actions et de nos liens sociaux sont gouvernés par l'habitude et par notre inconscient, notre socialisation. Ainsi, le conseil de traiter autrui comme nous aimerions être traité est souvent appliqué d'une façon quasiment automatique. Il n'y a que lorsque nous rencontrons des situations plus complexes où nous réfléchissons et prenons conscience de nos actes.

- Ainsi, nous pouvons réellement nous demander dans ces moments complexes : "est-ce que j'aimerais être traité comme cela ?". Ainsi, ce conseil n'est pas imposé mais exposé, tout a chacun est libre de se poser cette question. Aucune sanction, ni obligation. Pour que cette morale fonctionne il faut que l'individu fasse ce qu'il veut d'abord, et seulement lorsqu'il sera persuadé de l'efficacité de ce conseil il pourra l'appliquer a bon escient.

- Alors, les individus pourront se détacher des institutions, et nous redoublerons de haine envers elle, car si nous détestons les tueurs en séries, c'est elle qui les produits et c'est elle qui les glorifie (c.f les nombreuses séries et films sur les tueurs en séries). Et de cette morale va émerger un profond sentiment d'égalité.


VIII) Du principe d'égalité au principe de vie.

- Le principe égalitaire résume cette morale à se révolter contre l'oppression, contre l'iniquité

- Mais c'est aussi, reconnaître chaque individu, ne jamais le mutiler de quoique ce soit et lui permettre son épanouissement, sans jamais le contraindre. On peut, éprouver de l'antipathie pour des comportements individuels, en discuter mais jamais forcer autrui à avoir un comportement qui n'est pas librement choisi.

- L'autre principe d'importance, voir plus important pour établir une morale qui puisse être utile pour l'espèce, c'est le principe de vie : faire éclater la vie, faire, répandre le génie humain sans demander en retour, un génie inventif, utile (écologiste pourraient-on ajouter). C'est se révolter, se battre pour les autres, pour ceux qui ne le peuvent pas, en n'attendant nulle autre récompense que le bonheur que l'on peut procurer à autrui. 

- "C'est le sentiment de sa propre force. C'est la vie qui déborde, qui cherche à se répandre" Jean-Marie Guyau. Car la vie ne peut s'empêcher de se répandre et de surmonter tous les obstacles, les obstacles aux bonheurs humains. Débordons de vie !

IX) Laisser déborder ses pensées

- Ce que l'humanité aime chez les humains vraiment moraux, c'est l'exubérance de la vie, la passion dont-ils débordent. Les humains qui pensent et débordent de vie intellectuelle, partagent, développent, défendent, car penser c'est communiquer. Ce n'est pas garder pour soi. Partager ses sentiments, partager sa force de vie, être solidaires. Aimer.

- Le diktat du travail est tellement en nous que lorsque l'on n'a rien a faire "d'utile", les humains s'inventent des activités futiles. Pour donne l'illusion, l'illusion de vie. Il est ici question de trouver une place dans l'espace social. Et le travail (voir analyse de Paul Lafargue, Le Droit à la Paresse) est un fardeau que l'on s'oblige à porter pour exister, car on nous le présente comme la seule manière d'exister en société. Au contraire, faisons des choses qui sont inutiles pour la société, mais utile pour nous, pour notre volonté de vie.

- La vie n'est vigoureuse, féconde, riche en sensations, qu'à la condition de répondre à cette sensation de l'idéal de vie, d'épanouissement personnel, d'épanouissement d'une société. Vers la liberté, vers l'égalité, vers la solidarité.

X) En finir avec la distinction égoïste/altruiste.

- Si nous traitons les autres comme nous voudrions qu'ils nous traitent, sommes-nous égoïstes ou altruistes ?

- Distinction qui doit être effacée, puisque le bonheur de chacun est "intimement lié a celui des autres". Déborder de vie, c'est aussi penser à soit autant que les autres. Penser à l'intérêt général c'est penser a son intérêt. "Sois un avec les masses, et toute ta vie tu sentiras battre avec toi ceux que tu estimes"

- Réaliser des actions dites "altruistes", c'est seulement vouloir son bonheur en étant au service de tous. Au service de l'idéal de vie, est-ce égoïste, est-ce altruiste ? L'opposition ne tient pas car le bien de l'individu est compris dans le bien de l'espèce. 

- Cependant, il existe bien des individus qui ne comprennent pas que le bien individuel est confondu dans le bien de l'espèce, et ont tendance à agir dans un sens seulement et se tromper. Et ne vive pas à fond.

- Finalement, cette morale est animale, humaine, issue autant des masses que des penseurs. Cette morale n'ordonne rien, elle ne mutile et souhaite l'épanouissement. Cette morale elle veut la vie, son expansion, elle veut l'égalité de tous.tes. Connaître la plus grande jouissance de vie. Fais ce qu'il te plaît mais peut-être que tu raterais le meilleur de ton existence.

- "Lutte pour permettre à tous de vivre de cette vie riche et débordante, et sois sûr que tu trouveras dans cette lutte des joies si grandes que tu n'en trouverais de pareilles dans aucune autre activité", bienvenu.e Camarade, soyons forts, exerçons notre envie de vivre.

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